Interview : Travailler avec des adolescents en difficultés, Mastère 1 Journalisme

TRAVAILLER AVEC LES ADOLESCENTS EN DIFFICULTÉS


Éducatrice spécialisée, auprès de jeunes adolescents en difficultés dans un institut médico-professionnel, ou IMPRO, dans le département des Yvelines. Valérie, 58 ans, nous raconte son parcours et ses missions à travers deux thèmes principaux : les relations sociales dans son travail et le côté plus personnel comme le salaire ou l’organisation dans sa vie privée.



Pourquoi avez-vous choisi ce domaine de travail précisément ? 


J’ai toujours voulu travailler avec les enfants et être enseignante. J’ai commencé ma carrière à travailler dans les crèches comme puéricultrice comme je ne connaissais pas le métier d'éducateur. En effet, le métier d’éducateur n’existait pas dans les années 80, donc on m’a conseillé de travailler dans les crèches ou de devenir infirmière. 

J’ai débuté ma carrière en tant qu’éducatrice par un stage qui m’a été proposé par le Ministère de la jeunesse et des sports, pendant un an dans un foyer départemental avec des enfants qui ont des carences éducatives, affectives et qui subissent de la maltraitance. 

Au bout d’un an, ce poste m’a plu parce que je travaillais auprès des enfants et de là j’ai passé mon diplôme dans une école d’éducateur qui a duré trois ans.  



Quelles sont vos relations avec les jeunes adolescents ? 


Nous sommes chargés de trente-six enfants âgés entre douze et vingt-deux ans. On a plusieurs ateliers comme la blanchisserie, la restauration, l'hygiène des locaux et leur présence nous permet de mettre en place une certaine confiance. 

La confiance peut s’installer très vite entre un éducateur et un jeune, cela peut se faire en quelques jours seulement. Il ne faut jamais leur mentir, et toujours les ramener à la réalité. 

Par exemple, si un jeune atteint d'autisme rêve de devenir pilote, il faut lui expliquer que pour lui ça ne sera pas possible, mais sans jamais le “casser”.  Il faut faire, également, très attention quand on utilise le second degré pour une blague parce que certains jeunes peuvent tout prendre au premier degré, je dis souvent “non mais je rigole” à un jeune après une blague.

Je suis responsable de l’hygiène des locaux avec les jeunes qui ont des troubles mentaux et physiques.
Certains vivent dans le foyer dans lequel je travaille pour de nombreuses raisons comme par exemple faire une rupture avec leurs parents pendant la semaine afin que le week-end se passe bien entre eux, certains jeunes sont élevés par leurs grands-parents et d’autres membres de leurs familles parce qu’ils habitent trop loin de leur domicile parental. Ces jeunes ne sont pas coupés de la société mais plutôt de leur milieu naturel, comme les parents ou les amis.

L’internat possède environ seize chambres avec dortoirs, douches et toilettes individuels. 

En cas de problème entre éducateurs et adolescents, il n’y a pas de solidarité entre les collègues mais nous sommes soutenus par la direction. Nous sommes responsables de chaque jeune qui séjourne dans notre internat, il faut faire attention à eux et de leurs relations avec les autres adolescents. 

On doit aussi travailler avec quelques jeunes violents, on en a deux ou trois qui frappent, insultent les autres jeunes ou les éducateurs. Je pense que ces jeunes pourraient faire de la prison pour des raisons très graves dans les années à venir si on ne les suit pas plus tard.



Quelles sont vos missions et comment votre centre est-il financé  ? 


Tous les adolescents sont pris en charge par des instituts médico-professionnel qui financent leur séjour. Nous sommes aussi aidés par l’État et l’Agence régionale de santé des Yvelines. 

Nos principales missions sont d'accueillir et d'accompagner les jeunes tout en s’adaptant à leurs difficultés et leurs demandes. La plupart des jeunes accompagnés présente des Troubles du Développement Intellectuel ou des Troubles du Comportement et de la Conduite.



Êtes-vous bien payés par rapport à vos horaires ? 


Je travaille du lundi au vendredi de 9h00 à 16h15 avec un jour de congé et je sais que certains de mes collègues travaillent même le week-end dans les foyers d’accueil médicalisé. 

La direction veut remettre les éducateurs à trente-sept heures de travail par semaine afin de faire de la "garderie avec les adolescents".

Nous ne sommes pas très bien payés et peu valorisés pour notre métier, on devient éducateur par passion, c’est un métier qui peut vous miner le moral. En début de carrière, nous sommes à 1 300 euros par mois et en fin de carrière, entre 2 400 et 2 500 euros par mois. Certains sont diplômés et d’autres viennent de cursus différents mais nous sommes tous rémunérés selon une grille de salaire comme les infirmiers. Les salaires et les conditions de travail ne sont pas adéquates.

Nous pouvons aussi faire des gardes la nuit, mais nous sommes assez mal payés par exemple si nous commençons à 23h et qu’on fini à 7h, nous serons seulement payés pour trois heures de travail. 

Lorsque nous travaillons comme éducateur, nous n'avons pas de vie privée parce que nous passons une très grande partie de nos journées et de nos nuits avec les adolescents. Il faut aussi savoir qu’il y a un manque de personnels, dans les années 1980, quand j’ai commencé ce métier il y avait une pléthore de mains d'œuvres, mais maintenant ce métier n’attire plus les jeunes, comme enseignant ou infirmier. 



Vous sentez-vous soutenue par les pouvoirs publics ?


Non, notamment au niveau des formations. Celles-ci ne sont plus du tout adaptées à la réalité du terrain. Les jeunes éducateurs qui arrivent avec la formation actuelle se retrouvent débordés. Les jeunes éducateurs, qui sont mal payés, se font “tester” par les adolescents et sont peu respectés, certains d’entre eux abandonnent. Les plus vieux éducateurs qui ont de l’expérience arrivent à se faire respecter et surtout ceux qui sont parents, c’est mon cas je suis maman de quatre enfants. 

Mais les formations que propose le gouvernement ne préparent pas assez à ce type de situation et en plus de cela nous sommes pas assez financés, on manque d’argent pour que l’on puisse assurer nos missions. On a un sentiment d’abandon et de mépris de la part des politiques pour notre métier. C’est un peu le système D.



Par Alexandre Notte.
Le 14/11/2022

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